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Tout change lorsque Délos, après 157, est devenue colonie athénienne. Inscriptions, dédicaces, textes littéraires soulignent que l'île entretient des relations commerciales - difficiles à quantifier - non seulement avec l'Asie Mineure, la Syrie et l'Egypte, mais aussi avec l'Italie. Elle voit arriver sur ses marchés céramique, verrerie, étoffes, parfums, onguents et produits orientaux. Des associations religieuses et professionnelles, comme celles de marchands d'huile et de vin connues par des inscriptions, soulignent l'influence romaine.
Pour Strabon, l'île prospéra grâce au commerce des esclaves. Le géographe rappelle l'ancrage géographique de Délos sur la route entre la Cilicie et l'Occident, rattache la réussite délienne à un moment donné - fruit d'un contexte politique et économique marqué par la double destruction de Carthage et de Corinthe - et définit les acteurs de ce trafic, des aventuriers conciliant brigandage et commerce. Les données de l'archéologie et les ruines déliennes, muettes comme une gare vidée de ses passagers, accusent tout au plus la fragilité d'un témoignage unique. Elles ne peuvent servir à trancher un débat sur l'existence d'un tel commerce. Il s'agit moins d'en nier la réalité - banale dans une société esclavagiste - ou de douter de son importance que de se débarrasser d'une illusion. Elle consiste à associer une activité marchande et un lieu unique. Quoi qu'on en ait dit, et pour de multiples raisons, l'Agora des Italiens n'est pas le marché aux esclaves de Délos. Il pouvait se tenir en bien d'autres lieux et n'exigeait pas de bâtiment spécialisé.
Le commerce d'amphores vinaires à Délos doit-il être mis en relation avec l'approvisionnement des propriétaires italiens en population servile ? On l'a suggéré, de manière séduisante, en se fondant sur les timbres latins retrouvés à Délos. Ce sont pour leur majorité des marques de Lamboglia 2, en provenance d'Aquilée et d'Apulie, et d'amphores à huile de Brindes. Nul ne peut déterminer encore si ces chargements étaient débarqués dans l'île dans le cadre d'une redistribution liée au commerce des esclaves ou pour satisfaire une consommation locale. Un texte d'Athénée laisse entendre que ces produits étaient destinés en priorité aux classes inférieures des résidents italiens. La plupart des amphores romaines proviennent à Délos de maisons, mais cela n'est pas un argument suffisant. C'est la conséquence du choix des archéologues : ils ont préféré la fouille des quartiers d'habitations à celle des magasins. La redécouverte d'une cinquantaine d'amphores romaines, près du Lac sacré, au voisinage de l'agora des Italiens, ne paraît pas de nature à changer les termes du débat. Toutes enterrées, elles n'ont pas été stockées à l'air libre avant d'être vendues. Recouvertes d'un ciment toujours visible et dessinant un quadrilatère, elles participaient d'une structure médiocre aux murs de briques ou de torchis, à laquelle elles servaient de fondations. Ces amphores, datées de 100 avant notre ère, ne sont pas les témoins d'un commerce vinaire dans ce secteur, avant l'invasion des pirates d'Athénodôros. Elles sont les vestiges d'une occupation très fruste, dont la fonction reste indéterminée - peut-être des boutiques.
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