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LE COMMERCE À DÉLOS






    La rédaction des dédicaces faites alors par des entrepositaires n'implique jamais qu'ils aient eu leurs entrepôts à Délos. En honorant, vers 180, Héliodoros, un dignitaire du régime de Séleucos Philopâtor, les marchands de Laodicée de Phénicie veulent moins affirmer leur présence que soutenir leur souverain dans les luttes diplomatiques dont le sanctuaire d'Apollon est l'enjeu. Le conseil des entrepositaires d'Alexandrie élève à Délos entre 127 et 117, sous le règne de Ptolémée VIII Evergète II deux statues en l'honneur de deux dignitaires lagides. La consécration ne célèbre pas leur implantation délienne, mais manifeste leur reconnaissance à l'égard du souverain lagide dans un sanctuaire panhellénique. Quant aux trafiquants venus approvisionner le sanctuaire en matières précieuses de faible volume, comme l'encens, ils n'avaient pas besoin de vastes zones de stockage.

    Bien que d'interprétation discutable, les chiffres de la pentékosté connus pour la période de l'Indépendance fixent un ordre de grandeur. Lorsque Rhodes se plaint d'être ruinée par le statut de franchise que le Sénat romain vient d'octroyer aux Déliens, l'ambassade rhodienne reconnaît que sa cité touche encore 150 000 drachmes de taxes annuelles sur les marchandises en transit. Or c'est environ dix fois la somme à laquelle ces mêmes droits étaient affermés à Délos dans les années 279-278 !

    Monuments et inscriptions ne permettent donc pas d'avancer que Délos indépendante fut la rivale de Rhodes ou un entrepôt de céréales de première importance. De fragiles indices ont fait croire que la place de commerce s'était développée en diversifiant ses activités dès la fin du IIIe siècle. Des commissaires au grain y viennent alors conclure affaire. Dès le premier quart du second siècle, les Orientaux commencent à affluer. L'établissement des Poseidoniastes de Bérytos, à la fois bourse de commerce, sanctuaire et hôtellerie, souligne la puissance du regroupement de ces "négociants, armateurs et entrepositaires". Mais comment assurer que les travaux sur le chôma, entrepris à partir de 217, sont autre chose que l'entretien des installations portuaires existantes ? De même, le rachat par Sémos, fils de Kosmiadès, de citoyennes captives de Théangéla de Carie ne prouve nullement que l'île d'Apollon était un marché aux esclaves dès la seconde moitié du IIe siècle. Rien ne dit dans ce décret fragmentaire que ce Délien généreux, hiérope en 216, ait agi à Délos. Sa mansuétude s'est exercée "après un coup de main", "une fois le butin réuni". On est loin d'un commerce organisé dans le cadre de l'emporion délien. Cette libération de prisonnières est à rapprocher du décret d'Amorgos, lui aussi du IIIe siècle, qui honore deux citoyens ayant payé de leur fortune leur liberté et celle de leurs compagnons, hommes et femmes, enlevés comme eux par des pirates.