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II. L'EMPORION DÉLIEN : STATUT, RÉGLEMENTATION, TAXES ET PRIX
L'Hymne à Délos de Callimaque, composé après 277 avant J.-C. pour célébrer cette terre sacrée et les souverains lagides, se termine sur le récit du passage de Thésée dans l'île d'Apollon. Au retour de l'expédition contre le Minotaure, en action de grâces, le héros athénien aurait, le premier, dansé autour de l'autel de cornes du dieu. Rite que marins et marchands se font une gloire de perpétuer, mais qui n'assure pas l'antiquité de l'emporion délien. Pas plus que ne le fait l'Hymne homérique à Apollon. Si le poète raconte la naissance du dieu, les conditions de l'instauration des panégyries et leur déroulement, il n'établit aucun lien entre Délos et des entreprises commerciales. Ni Hérodote, ni Thucydide ne considèrent non plus le contrôle de l'île comme un enjeu commercial. Objet de convoitises et offrant asylie, Délos est menacée en raison de la richesse de ses temples.
Il faut attendre le milieu du IVe siècle pour découvrir une première mention de son emporion. Elle figure dans un fragment de discours d'Hypéride, prononcé vers la fin de 343. L'orateur, qui défend les intérêts de l'île dans un procès l'opposant à ses maîtres Athéniens, rappelle une affaire criminelle. Lorsque des Étoliens, naufragés, furent retrouvés morts à Rhénée, les Déliens accusèrent leurs voisins. Ces derniers dégagent leur responsabilité : ils "n'ont eux ni ports, ni emporion, ni aucune autre raison de séjour". Cette allusion reste, hélas, isolée. Elle souligne cependant le degré des équipements portuaires - ils ne limitent pas à ceux du Port sacré -, et le rôle commercial de Délos.
Chargés de son approvisionnement, des commissaires au grain figurent dans les comptes des hiéropes à partir de 209. Entre 239 et 229, un certain Aristoboulos est envoyé dans l'île par Démétrios II pour y acheter du grain. Des gens d'Histiée font de même vers 230. Cinquante ans plus tôt, les Athéniens réceptionnent à Délos une cargaison de grain promise par Ptolémée II. Ces différents témoignages épigraphiques servent à apprécier l'importance de la place dans le commerce des céréales pendant l'Indépendance délienne. À la même époque, trois agoranomes sont les détenteurs officiels des poids et mesures. Siégeant dans un lieu non identifié, ce collège de magistrats est chargé de surveiller les prix et de faire respecter les règlements commerciaux de l'île. La loi sur la vente du bois et du charbon, exposée vers 230 là où abordent les navires, au voisinage du Portique de Philippe, donne une idée de cette réglementation. Les importateurs sont obligés de déclarer le montant qu'ils espèrent retirer de leurs marchandises aux agoranomes comme aux pentékostologoi. Ces percepteurs prennent en fermage, après vente aux enchères, la taxe de 2% sur les importations et exportations. Pour deux années successives 279 et 278 avant J.-C., on a conservé le montant de la pentékostè : 14 200 et 17 900 drachmes. Celle dite de la ville rapporte 5 200 drachmes en 250. Mais l'on ne sait rien des Déliens occupés à son recouvrement et de leur groupe social. Installés dans un local qui a plusieurs pièces, ils disposent du droit de saisir les marchandises des fraudeurs et des débiteurs insolvables. Ils ne sont pas sans lien avec le trésor sacré.
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