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DÉLOS ET MARSEILLE






    Beaucoup moins prestigieux, un autel délien avec bucranes (figure 7) a aussi transité par la cité phocéenne. Il est entré au Louvre sous le règne de Louis XVIII. Dès l'inauguration de la nouvelle galerie d'antiques, le 19 mars 1817, il servait, dans la "Salle d'Isis", de support à une statue égyptienne accroupie en granit noir. Visconti précise dans son catalogue : "le monument transporté d'Athènes à Marseille a été acquis pour le Roi par les soins du Comte de Forbin".

    Cet Aixois, Directeur général des Musées, effectua plusieurs visites à Athènes et dans les Cyclades. Il en avait retiré cette certitude : l'impunité de tout pillage. "Plusieurs de ces plages sont abondonnées ; l'île de Délos ne compte pas un seul habitant, et s'il s'en trouvait sur d'autres points, je me suis convaincu moi-même qu'ils n'apporteraient aucune résistance à cette nature d'enlèvement". Mais malgré ce discours, c'est à Aix-en-Provence que le Comte de Forbin trouva l'objet délien qu'il voulait offrir au Roi. E. Michon a raconté les détails de la transaction. Elle fut réglée par lettres en trois mois, entre octobre et décembre 1816. L'affaire avait été conclue avec le Receveur particulier de l'arrondissement d'Aix, Monsieur Sallier qui se désaisissait d'une partie de sa collection, dont "un autel apporté de Délos par M. de Saurin". Peu importe si ce dernier nous reste inconnu.

    L'important est de suivre le mouvement des antiquités débarquées à Marseille. Après avoir servi de lest sur le chemin du retour aux bateaux commerçant avec le Levant, elles satisfaisaient le goût de collectionneurs privés provençaux.

    Ces trafics ne pouvaient laisser des douaniers indifférents. Aymé du Boisaymé, directeur des douanes à Marseille sous Louis XVIII, savait le prix de ces marbres. Il l'ignorait d'autant moins qu'il avait commandé le génie durant l'expédition d'Egypte. Il avait été, de plus, membre de la commission des sciences et des arts de l'armée française en Egypte ; il était corres-pondant de l'Institut. On ne s'étonnera donc pas qu'il eût placé dans son cabinet un fragment de catalogue éphébique arrivé dès le début de 1820. A cette occasion, Raoul-Rochette rédigea une "note sur une inscription grecque récemment apportée de Délos à Marseille" ; dans cet article du Journal des Savants, il reproduisait la lettre d'un certain Lajard assurant que cette pierre venait du sanctuaire d'Apollon. Presque cinquante ans plus tard, un érudit allemand, Neubauer, découvrira que ce morceau recollait avec trois autres, conservés l'un à Florence, à la Villa Riccardi, et les deux autres à Athènes où on les avait trouvés en 1861. La provenance délienne de ce catalogue exposé sous le règne d'Antonin le Pieux s'effondrait. Preuve que l'on peut abuser un douanier !