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SANTORIN, UNE "POMPÉI PRÉHISTORIQUE"






    Marinatos s'aperçut très vite qu'il n'y avait pas concomitance entre l'abandon d'Akrotiri et la destruction des sites crétois. L'écart chronologique se creusa au rythme de la fouille et de l'étude comparée du matériel découvert à Santorin et en Crète. L'un datait de la fin du Minoen Récent IA, c'est-à-dire vers 1500 ; l'autre du Minoen Récent IB, soit après 1450. Caractéristiques de cette période, les vases dits du "style marin", avec leur décor de faune ou de flore sous-marines, et fabriqués à Cnossos, sont ainsi absents d'Akrotiri. Pour continuer à défendre sa théorie, le fouilleur soutint que le processus s'était déroulé en deux étapes : un tremblement de terre avait d'abord ravagé Santorin ; la Crète avait été ensuite victime de l'éruption volcanique. Entre les deux événements, il y avait eu une réoccupation partielle des maisons abandonnées à Akrotiri par leurs occupants légitimes. Cette reconstitution se heurte à plusieurs critiques. La présence de pierres ponces en Crète dans des niveaux antérieurs à la chute des palais assure que l'explosion du volcan a précédé l'effondrement du monde minoen. Les monuments d'Akrotiri ne présentent aucun signe de dégradations provoquées par des secousses sismiques. Tombant comme des bombes sur les habitations, les roches volcaniques semblent les avoir transpercées et remplies aussitôt de matière en fusion. Marinatos attachait beaucoup d'importance à de l'humus relevé en plusieurs points et preuve d'une réinstallation. Il serait en réalité le produit de la désintégration des briques employées dans les parties hautes des édifices. Quant aux remaniements observés - modifications dans les systèmes d'ouverture, déplacements de cloisons, réparations diverses - ils ont pu être effectués avant la catastrophe.

    Cette dernière ne doit pas masquer la question fondamentale de la nature de l'établissement brusquement anéanti. On pense à Thucydide qui écrit à propos du roi Minos : "C'est le plus ancien personnage connu par la tradition qui ait eu une flotte et conquis, pour la plus grande partie, la maîtrise de la mer aujourd'hui grecque ; il établit sa domination sur les Cyclades et installa dans la plupart les premières colonies". Kastri dans l'île de Cythère et Trianda à Rhodes servirent de la sorte de relais commerciaux, sinon culturels et militaires, aux Minoens. La situation de la Santorin préhistorique semble pourtant différente. Elle ne fut ni une colonie, ni un protectorat minoen, mais un carrefour d'influences, une zone de contact. Architecture et vie matérielle témoignent à Akrotiri de la vitalité du monde cycladique, jadis éclatante au Bronze Ancien (3200-2000 environ), comme de l'attrait du modèle crétois. Au nombre de ses emprunts figure l'adoption dans certaines maisons du pilier central, du bassin lustral ou de la formule du polythyron, ce type de baie où alternent portes et piliers. Mais la technique de construction reste toujours cycladique, comme le souligne l'encadrement en pierres des ouvertures. Le tracé de la voirie et la disposition des édifices rappellent l'urbanisme de Myconos et ses ruelles tortueuses.