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SANTORIN, UNE "POMPÉI PRÉHISTORIQUE"






    En 1967, les premiers résultats d'une fouille à Akrotiri, dans l'île de Santorin, l'antique Théra, firent grand bruit. Un archéologue grec, Spyridon Marinatos, avait mis au jour les vestiges d'une agglomération urbaine ruinée vers 1500 avant J.-C. par l'explosion du volcan qui la portait. On parla aussitôt de "Pompéi préhistorique" pour caractériser cet habitat richement décoré de fresques et demeuré enseveli sous les cendres et la lave.

    Cette découverte semblait surtout lever une énigme : celle de la disparition simultanée et brutale des grands centres crétois, vers le milieu du second millénaire. Voilà qui assurait une hypothèse formulée presque trente ans auparavant par le même Marinatos. La catastrophe de Santorin avait causé l'effondrement de la civilisation dite minoenne, du nom du légendaire Minos qui régna sur Cnossos. Une autre suggestion faite quelques années plus tôt par le fouilleur paraissait gagner quelque crédit : il fallait chercher à Santorin l'Atlantide, ce monde englouti décrit par Platon.

    Vingt ans après la disparition du Directeur des antiquités de Crète, qui mourut, le 1er octobre 1974, sur son chantier, l'heure du bilan est venue. Alors que les fouilles se sont étendues, nul ne peut nier l'importance du site, mais les idées de son inventeur sont entrées en purgatoire.

    Les textes antiques restent muets sur le cataclysme du second millénaire. Selon Hérodote, l'île fut d'abord occupée par des compagnons de Kadmos, parti de Phénicie à la recherche d'Europe. Cette terre fut colonisée ensuite par Théras qui y installa ses hommes, des Minyens chassés de Laconie. Kallisté, la très belle, abandonna alors son nom pour prendre celui du héros lacédémonien. Théra est aussi parfois désignée comme la Strongylé, la ronde. Mais rien n'oblige à considérer ces épithètes comme un rappel de l'apparence primitive des lieux. Elles s'appliquent encore au charme sauvage du paysage actuel. Trois îles : Santorin - la plus grande en forme de croissant -, Aspronisi - la plus petite - et Thérasia dessinent un cercle discontinu autour de la caldeira, le coeur du volcan envahi par la mer et partiellement occupé par deux îlots : Paléa et Néa Kaïméni, la Vieille et la Nouvelle brûlée. Formant les bords du cratère, des falaises dominant la mer de près de deux cents mètres offrent un cadre grandiose aux villages établis sur les couches de lave et de téphra, les cendres volcaniques. Le terroir est sec, mais point stérile. Il fut exploité pendant des générations selon des techniques héritées de l'Antiquité. Joseph Pitton de Tournefort admirait encore au XVIIIe siècle le travail des paysans de Santorin qui "ont fait un verger de la plus ingrate terre du monde". A côté des figuiers et des céréales, le botaniste notait l'omniprésence de la vigne, "cultivée comme en Provence", c'est-à-dire "les ceps relevés en manière de réchaud" et produisant "un vin violent, plein d'esprits".