Tout en la reprenant à son compte avant de redécouvrir un monde perdu, Marinatos lia l'éruption de Santorin à l'histoire des palais crétois. C'était se poser en héritier de Schliemann et d'Evans. Outre l'intuition et la chance, Marinatos partage avec les deux hommes le privilège d'avoir ressuscité une des grandes sociétés égéennes du second millénaire avant notre ère. Schliemann voulait faire coïncider ses trouvailles archéologiques avec ce que dit L'Iliade de la guerre de Troie. Marinatos eut l'ambition d'assimiler les récits de Platon sur l'Atlantide à la réalité de la Santorin préhistorique. Il développa son point de vue en 1950, bien avant ses recherches à Akrotiri, comme il avait soutenu, presque trente ans plus tôt, sa thèse sur la disparition de la civilisation minoenne. De même, plusieurs années avant la fouille de Cnossos, Evans l'avait justifiée par des articles visant à établir l'existence d'une culture méditerranéenne, antérieure à celle des Mycéniens.

    La fouille était pour Marinatos une preuve, celle demandée en 1939 par les éditeurs de la revue Antiquity qui, tout en publiant son texte, n'avaient pas caché en note leur scepticisme. Les découvertes d'Akrotiri validaient un raisonnement. Il était doublement fragile. Localiser l'Atlantide s'apparente à un exercice de style dont Platon, le premier auteur antique et le seul à évoquer ce continent disparu, est l'inspirateur. D'après le Timée, Solon, vers 600, aurait appris d'un prêtre égyptien le récit de la lutte victorieuse menée neuf mille ans plus tôt par Athènes contre son agresseur, l'Atlantide. La guerre terminée, il y eut "de violents tremblements de terre et des déluges. En l'espace d'un seul jour et d'une seule nuit funestes, toute l'armée athénienne fut engloutie d'un seul coup sous terre, et l'île Atlantide s'enfonça pareillement sous la mer". Dans le dialogue platonicien qui porte son nom, Critias - citant la tradition familiale et un ancêtre proche de Solon - retrace les grandes étapes du développement de cet empire maritime. Cette terre, plus grande que la Libye et l'Asie, dessine des cercles concentriques autour d'une île centrale. Elle se situe au-delà des colonnes d'Héraclès, notre détroit de Gibraltar (voir encadré).