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Privé de sources écrites sur l'éruption de l'Age du bronze, mais disposant de données archéologiques et géologiques, Marinatos fit de la vulcanologie comparée. Il rapprocha le cas de Santorin de celui du Krakatoa, sur le détroit de la Sonde. Au printemps 1883, pendant trois semaines, les signes avant-coureurs de l'éruption - tremblements de terre et émissions diverses - s'étaient multipliés. Celle-ci s'était déroulée en deux phases d'intensité croissante, entre le 20 mai et le 28 août. Haut de plusieurs dizaines de kilomètres, un nuage de cendres surplomba le volcan, puis la région. Elle fut plongée dans l'obscurité pendant plus d'une journée. Suivant l'effondrement du dôme volcanique, un tsunami, une vague de fond, d'une amplitude de trente mètres ravagea les côtes de Java et Sumatra. Il y eut près de quarante mille morts. La caldeira du Krakatoa était quatre fois inférieure en taille à celle de Santorin. Marinatos en concluait que la violence de l'explosion y avait été exceptionnelle. Cela permettait d'imaginer un raz-de-marée d'au moins 200 mètres de hauteur, soit l'altitude à laquelle on avait retrouvé des pierres ponces dans la plus méridionale des Cyclades, l'île d'Anaphi. La géologie se mettait au service de l'histoire. Le réveil du volcan, précédé par un tremblement de terre responsable de la destruction d'Akrotiri, avait ruiné les établissements minoens et de leur flotte. La Crète était alors tombée sans résistance aux mains des envahisseurs mycéniens.
Les vulcanologues ont contesté ce modèle. La montée du magma avant l'éruption ne s'accompagne généralement que de séismes de faible intensité. Comme les fumées et les gaz, ils servirent d'avertissement aux habitants qui eurent le temps de quitter leurs maisons avec leurs biens - ce que démontre l'absence de corps et d'objets précieux ensevelis sous les décombres. Mais la fin d'Akrotiri est survenue avec l'explosion du volcan, la troisième depuis le début du Pleistocène. Les archéologues la placent vers 1500 avant J.-C. en se fondant sur l'examen stylistique du matériel crétois importé le plus récent. D'autres méthodes scientifiques n'excluent pas une date un peu plus haute. Les datations au carbone 14 donnent des fourchettes comprises entre 1700 et 1520. Les cendres du volcan prises dans les glaces du Groenland invitent à situer la catastrophe vers 1645. Au Congrès vulcanologique international de 1989 où la dendrochronologie - fondée sur l'étude des bois et des pollens - a été au centre des débats, les années 1628-1626 et la saison du printemps furent évoquées. Un raz-de-marée parti de Santorin a pu causer des dégâts sur la côte Nord de la Crète, mais pour des raisons physiques (direction de la propagation des ondes, influence des reliefs), il ne saurait rendre compte des destructions observées au Sud. Le phénomène n'a pas eu de toute manière la violence que Marinatos lui prêtait. Il se limiterait à quelques mètres de hauteur. L'observation des couches volcaniques montre enfin que l'effondrement du dôme et la formation de la caldeira ont duré des semaines, peut-être des mois. L'énergie développée s'est donc libérée progressivement, et non tout d'un coup comme au Krakatoa. Voilà qui exclut des effets dévastateurs à lointaine distance. Ils le furent à Santorin, où les hommes ne revinrent habiter que deux siècles plus tard. Si l'émission de gaz toxiques reste indémontrable, la couche de cendre dispersée par le vent sur le sol crétois fut très certainement infime, moins d'un demi-centimètre. Elle n'a pas eu forcément des effets négatifs. Quant aux pierres ponces d'Anaphi, elles n'appartiennent pas à l'Age du bronze, mais à une période beaucoup plus ancienne. Celles du second millénaire ont sans doute été apportées en Crète par la mer.
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