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Selon Marinatos, les Égyptiens avaient gardé trace dans leurs annales de l'éruption de Santorin et en avaient informé Solon. L'évocation de l'Atlantide, parvenue jusqu'à l'époque de Platon par le biais de la transmission orale, conservait, de manière déformée, le souvenir de la catastrophe. Plusieurs objections viennent à l'esprit. D'abord, le silence des sources égyptiennes. Ensuite la date de 9600 avant notre ère. Un esprit ingénieux a supposé une confusion sur la manière de noter 100 et 1000 en Égypte. La fin de l'Atlantide daterait de 900 avant l'époque de Solon, soit justement 1.500 avant notre ère. Mais il faut corriger le texte de Platon, comme on lui fait violence si l'on veut réduire la disparité entre les lieux décrits dans le Critias et la région méridionale des Cyclades. Dès l'Antiquité, le récit platonicien divisait les esprits. Contre l'avis de quelques disciples de l'Académie, Aristote le prenait pour une fable ; d'autres y voyaient une allégorie. C'est un mythe qui a, comme celui de la caverne ou d'Er l'Arménien, une valeur exemplaire et pédagogique. Platon invitait ses concitoyens à se défier d'un empire maritime fondé sur la seule volonté de puissance et oublieux des dieux comme de la pratique de la vertu. Pierre Vidal-Naquet a bien montré que "l'Atlantide est le contretype d'une Athènes elle-même imaginaire". C'est l'autre et le même, le reflet de la cité où vit Platon et son inverse. Avec une ironie toute socratique, le philosophe, inventeur d'une nouvelle forme narrative, a voulu "dire le fictif en le présentant comme le réel". Au risque d'égarer ceux qui cherchent dans le Critias une réalité historique ou géographique.
Qu'avait découvert S. Marinatos de 1967 à 1974 et qu'explora depuis son successeur, l'archéologue grec Chr. Doumas ? Une rue montant de la mer, s'élargissant au gré de placettes et bordée de maisons. Celles-ci, aux toits en terrasse, comportaient deux ou trois niveaux desservis par des escaliers de pierre et de bois. Pour lutter contre les effets des tremblements de terre, des colombages renforçaient les murs de pierres ou de torchis. La façade de ces vastes demeures prises sous six à sept mètres de tuf volcanique subsiste jusqu'au premier étage. Au rez-de-chaussée éclairé par une fenêtre donnant sur la rue, se trouvaient ateliers et espaces de stockage, comme l'assurent les nombreuses jarres, ou pithoi, exhumées. Bien que dépourvues de leur mobilier emporté dans leur fuite par les habitants, certaines pièces d'apparat ont conservé à l'étage les peintures murales qui les décoraient. Sur 10.000 mètres carrés fouillés, une dizaine d'édifices - aucun palais, ni édifice religieux - ont été plus ou moins complètement étudiés. Ils appartiennent à un quartier prospère d'une ville dont l'étendue est estimée vingt fois supérieure.
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