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LA COLONISATION GRECQUE






    L'expédition de Sicile (415-413), moyen d'exporter la Guerre du Péloponnèse pour en accroître les enjeux et forcer la victoire fut en même temps pour Athènes une tentative de fédérer sous son patronage, à son profit et par la force, le monde colonial. Avec les résultats désastreux que l'on sait. Comme le note Thucydide, "la plupart des Athéniens n'avaient pas idée de la grandeur de ce pays ni du nombre de ses habitants, grecs et barbares ; et ils ne se rendaient pas compte qu'ils soulevaient une guerre à peine inférieure en importance à celle du Péloponnèse". Reste que "les Athéniens brûlaient de faire cette campagne. Leur véritable motif était le désir qu'ils avaient de se la soumettre tout entière ; mais ils voulaient en même temps, pour la bonne forme, porter secours à leurs frères de races et aux alliés qu'ils s'étaient acquis". Le calcul était mauvais, parce qu'il était indifférent à la situation de communautés grecques, composites, sans vraies racines et exposées aux convoitises des Carthaginois et des indigènes. Par désir égoïste de sécurité, après la remontée en 406 de la menace carthaginoise et la réinstallation déterminée de l'ennemi d'hier, Syracuse, sous la coupe de Denys l'Ancien, puis toute la Sicile, retombèrent dans la tyrannie. "Les Grecs de Sicile, remarquait M. I. Finley, ne parvinrent jamais à faire fonctionner convenablement le système de la Cité-Etat".

    Qu'il pût fonctionner quelque part, Platon en douta toujours. Son ambition était de le transformer. Pour l'auteur de La République, le tyran syracusain préfigurait le roi-philosophe. Par trois fois, en 388, 367 et 361 av. J.-C., le maître de l'Académie gagna ce Nouveau monde. La rencontre avec cet Eldorado politique fut rude. Platon connut les prisons de Denys l'Ancien, puis celles de son fils, Denys le Jeune. Quand Dion se souleva enfin contre ce dernier, le philosophe préféra reprendre le chemin d'Athènes pour y rédiger Les Lois. Privée d'une cité idéale qui en aurait été le coeur, la Méditerranée grecque était condamnée à demeurer une Idée.

    Hervé Duchêne