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LA COLONISATION GRECQUE






    Cette Méditerranée grecque se manifesta surtout comme une réalité maritime et une culture urbaine. C'est ce qui donnera à des cités géographiquement fort éloignées dans le bassin méditerranéen un air de ressemblance. A l'image de leur métropole, les Phocéens préférèrent les promontoires protégés par des collines en amphithéâtre. Hormis l'accent qui trahit leurs origines, "les Syracusaines" de Théocrite, habituées à la vie citadine, se sont intégrées sans difficultés particulières à la société d'Alexandrie. Inversement, à mesure que l'on gagne l'intérieur de terres, l'intensité de l'influence grecque diminue rapidement. Des fouilles à Garaguso, un site perché de Lucanie en relation avec Métaponte, l'ont montré pour l'époque archaïque et le début de la période classique. Dans la vie quotidienne, la céramique indigène domine ; l'impact de la présence grecque sur la côte est nul. Il est un peu plus fort dans les tombes dont le mobilier funéraire comprend quelques objets grecs, signes de luxe et d'exotisme plus que vecteurs d'acculturation. Il est significatif dans les dépôts votifs riches en offrandes grecques. D'origines très diverses, elles ont facilité la représentation de croyances locales. Reste qu'il n'y a pas de corrélation claire entre la longévité des différents foyers d'hellénisme en Méditerranée et la taille de leur territoire. Au IIIe s. av. J.-C., ce sont Naples, Tarente et Marseille qui conservent le mieux leur influence passée et leur héritage grec. Au début de notre ère, privée de tout rôle politique pour avoir choisi le camp de Pompée, la cité phocénne se maintient comme un phare de la culture hellénique. Strabon admire ces Massaliotes "servant d'école pour les barbares", "faisant des Gaulois des philhellènes" et "persuadant les Romains les plus illustres de venir étudier dans leurs murs plutôt qu'à Athènes".

    Si féconde en aventures et en réussites, la colonisation eut pour faiblesse de ne pouvoir unifier politiquement la présence grecque en Méditerranée. Athènes qui, durant l'époque archaïque, resta à l'écart de tout mouvement d'expansion vers l'Ouest et envoya tardivement des colons dans le Nord de l'Egée sur la route des détroits, en rêva peut-être deux fois. Depuis longtemps, en Italie du Sud, une guerre fratricide opposait Crotone et Sybaris. En 510, puis en 448, cette dernière fut détruite. Les Sybarites demandèrent secours aux Athéniens. Reconstruire à l'identique la cité de Sybaris l'exposait à connaître le sort de naguère. Athènes proposa de fonder à proximité une colonie panhellénique où le découpage du corps civique en tribus correspondrait aux milieux d'origine des citoyens. Le sanctuaire de Delphes apporta sa caution et Thourioi naquit en 444/3. Le devin athénien Lampôn en fut l'oikiste. Hippodamos de Milet en traça les plans. Protagoras d'Abdère en rédigea les lois. Hérodote s'y fit même inscrire citoyen. La réalité, quoique brillante, ne fut pas à la hauteur des espérances. Sparte resta à l'écart du projet ; les liens avec Athènes ne cessèrent de se distendre ; dès la fondation, il y eut une guerre contre Tarente qui obtint pour contrebalancer la puissance de cette rivale la fondation d'Héraclée.