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Au temps de l'arrivée des gens de Théra sur la côte lybienne, Hérodote évoque des navigateurs samiens, reprenant le large pour l'Egypte, mais brusquement empêchés par un vent d'Est. "Soufflant sans arrêt, il les entraîna au-delà des Colonnes d'Héraclès, jusqu'à Tartessos. Un dieu les conduisait sans doute. Ce marché n'était pas encore exploité à cette époque, et les Samiens à leur retour tirèrent de leur cargaison le plus gros bénéfice que les Grecs aient jamais fait". Cette réussite inespérée en Andalousie resta exceptionnelle jusqu'aux entreprises des Phocéens. "Ce furent les premiers Grecs à faire de longs voyages en mer ; ils firent connaître l'Adriatique, la Tyrrhénie, l'Ibérie et Tartessos ; ils ne se servaient pas de bateaux ronds [des navires marchands], mais de navires à cinquante rames [des bateaux de guerre]". La notice d'Hérodote omet curieusement la Gaule où la colonisation phocéenne est pour nous le plus directement sensible. Commencée avec Marseille en 600, elle se poursuivra à des dates moins précises avec Agathé (Agde), Olbia (Hyères), Nice ou Antipolis (Antibes). Accélérée par la chute de Phocée soumise aux Perses, la vigueur de cette expansion se découvre à Emporion (Ampurias) en Catalogne, Alalia (Aléria) en Corse et Elée (Vélia) en Campanie.
Cette vague colonisatrice ne ressemble à aucune autre. D'abord parce qu'elle décupla sa force en multipliant les comptoirs plus qu'en exploitant des terres. Comme le dit Aristote, les Phocéens d'Ionie pratiquaient l'emporia, c'est-à-dire un commerce à longue distance impliquant, non pas le contrôle d'un vaste territoire, mais de bonnes relations avec le milieu indigène. Parce qu'elle fut ensuite la plus tardive et la plus lointaine. Elle intervint dans une Méditerranée occidentale partagée de facto en trois : une Grande-Grèce, un noyau étrusque en Italie du Nord et centrale, un protectorat phénicien couvrant les côtes africaines et espagnoles, la Sardaigne et une partie de la Sicile. Les Phocéens bousculeront ce damier encombré, où les cases libres étaient peu nombreuses, en s'enracinant sur la côte ligure, et en écartant sans ménagement leurs rivaux. Marseille née, le commerce étrusque à Saint-Blaise, un oppidum du sel sur les bords de l'étang de Berre, ne durera pas. La volonté de riposte ne manquait pas au demeurant dans l'autre camp. Unis avec les Phéniciens, les Etrusques tenteront vers 540 de bouter hors de leurs eaux ces encombrants nouveaux venus. La bataille navale d'Alalia fut pour les Phocéens une "victoire à la cadméenne" : lourde en pertes matérielles, mais décisive pour leur installation à Elée.
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