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Patrice Brun (Université de Tours), "Voyager en Grèce aux alentours de la Révolution : Deux exemples atypiques".
A la fin du XVIIIe siècle, les canons de la littérature de voyage imposent de décrire la Grèce comme la terre d'élection d'une grandeur passée. Description des ruines archéologiques, recherche des lieux fréquentés par les grands hommes du temps jadis et déploration convenue sur la ruine de la civilisation antique sont autant de commentaires communs à ces relations de voyage, que domine l'oeuvre magistrale de Choiseul-Gouffier.
Parmi les nombreuses relations publiées à cette époque, deux travaux originaux, infidèles à ce genre, sont à remarquer. Le Voyage dans l'Empire othoman de Guillaume-Antoine Olivier et le Voyage en Grèce et en Turquie de Charles-Sigisbert Sonnini, tous deux sortis des presses en 1801, ne s'intéressent pas à l'Antiquité mais décrivent la Grèce des années 1780 - 1790. Si l'on retrouve dans leurs pages certains poncifs sur la dégénérescence de la Grèce, les centres d'intérêt qu'ils manifestent, directement inspirés de la Grèce de leur temps, de ses richesses potentielles, de ses difficultés actuelles, et surtout de ses habitants, en font des approches nouvelles de la Grèce, presque ethnographiques. Leur formation, plus scientifique que littéraire, explique en partie cette orientation spécifique.
Mais ces ouvrages n'eurent guère de succès auprès du public et ils tombèrent vite dans l'oubli. Au tournant des XVIII et XIX siècles, l'Antiquité - on le voit pendant les événements révolutionnaires - est très largement idéalisée et les lecteurs d'un voyage en Grèce préféraient de loin la vision rêvée alors en vogue, encouragée par le succès de l'abbé Barthélémy et de son jeune Anacharsis, à la description concrète et sans concessions de la situation des Grecs.
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