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Comme il se moquera des espoirs de fortune que firent naître sur tous les rochers de l'Archipel la découverte en 1821 de la Vénus de Milo, Gobineau ironisera sur la grotte d'Antiparos. "On se traîne péniblement et dans la position la plus absurde sur une pierre suintante et glissante. (...) De moins en moins on se trouve à l'aise ; l'air est lourd et chargé de vapeurs. Les torches qui brillent çà et là et l'habitude déjà prise des ténèbres vous font découvrir assez vite que vous n'êtes pas au bout". A l'arrivée, maigre récompense : "Quant aux stalactites, ce sont ces laideurs connues dont raffolent partout les amateurs des trésors des merveilles de la nature, une contrefaçon du sucre de pomme figé hors du moule". Seule consolation : les inscriptions, "fort éloquentes sur la bêtise organique de la race humaine".
Gobineau en cite une "remarquable" qui met en cause une parente de son attaché d'ambassade en 1866 : "Hélène de Tascher, femme incomparable ! Trésor du marquis de Chabert ! - 1775". Il ajoute : "Le courage malheureux a peu de traits plus touchants". Ce marquis amoureux, Joseph-Bernard Chabert de Cogolin (1724-1805), n'est pas un inconnu. Choiseul-Gouffier, auteur d'un célèbre Voyage Pittoresque de la Grèce, le rencontra en 1776 sur L'Atalante, toujours occupé à des recherches astromiques et hydrographiques, commencées dès 1759 pour l'Atlas du "Neptune français" et achevées en 1804 avec la présentation au premier consul d'une carte des côtes grecques !
SANTORIN : D'UNE AMBASSADE A L'AUTRE
"La tentation m'a pris, et j'y ai succombé, de passer en Candie, Rhodes et Chypre, et de pousser jusque en Jérusalem et en Egypte". Après Naxos, Nointel ne visitera donc pas Santorin. L'île, réputée pour son vin et son coton, était pourtant fréquentée par de nombreuses missions et comptait bien des fidèles de rite latin. Elle se relevait de la terrible éruption de septembre 1650 dont le Père François Richard se fit le chroniqueur dans une histoire de l'île commencée avec l'établissement des Jésuites. Selon Thévenot dans son Voyage du Levant, "ce fut un feu qui se prit dans la terre du fond du port de Santorini, et y fit un tel effet que depuis le matin jusqu'au soir il sortit du fond de la mer quantité de pierres ponce, qui montaient en haut avec tant de raideur et tant de bruit, qu'on eût dit que ce fussent autant de coups de canon, et cela infecta tellement l'air, que dans ladite île Santorini, il mourut quantité de personnes, et plusieurs de la même île en perdirent la vue, qu'ils recouvrèrent pourtant quelques jours après". Ciel et mer changent de couleur. "Ces pierres de ponce qui sortirent de là couvrirent tellement la mer de l'archipel, que durant quelque temps quand régnaient certains vents, il y avait des ports qui en étaient bouchés, en façon qu'il n'en pouvait sortir aucune barque, pour petite qu'elle fût, que ceux qui étaient dedans ne fissent le chemin au travers de ces pierres de ponce avec quelque pieux".
C'est un réveil du volcan en 1866 qui donna justement à Gobineau l'occasion de se rendre dans les Cyclades. L'Ambassadeur écrira, le 15 février, à son ministre : "J'ai trouvé utile de mettre à profit le départ de La Mouette, envoyée sur les lieux par M. l'amiral Simon, pour montrer aux établissements religieux de Syra et de Théra que la sollicitude du gouvernement de l'Empereur veillait toujours sur eux et je suis allé moi-même les rassurer et leur promettre mon secours en cas d'un danger plus grand qui, j'espère, ne se manifestera pas". A sa soeur, il confiera : "C'est un spectacle merveilleux ; tout brûle, tout est noir, tout craque et la fumée sort épaisse de l'empire des ombres, comme aurait dit feu Chateaubriand. La mer bouillonne et est bouillante. C'est superbe". Gobineau visita alors les communautés religieuses catholiques de l'Archipel, puis reviendra, l'année suivante, à l'automne. Il était à bord de la corvette Racer de son ami, le commandant Lindsay Brine (1834-1906). Nul doute que l'officier britannique servit de modèle pour l'amoureux d'Akrivie Phrangopoulo.
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