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Paros est un peu ma patrie. Mon grand-père y naquit. Paros est un peu ma patrie et je tiens d'elle, quoi qu'on dise ; la mesure me plaît en tout et je suis un homme modéré. On croit en Grèce que j'ai eu toutes les hardiesses littéraires ; elles ne sont qu'apparentes et mes témérités sont toujours sages. Elles sont logiques aussi et je ne connais point le caprice. C'est à peine si j'ai osé ce qu'ose le peuple dans sa langue et les autres générations plus tard le comprendront.
De Paros je me rendis à Naxos en caïque, et de la ville je gagnai en droite ligne les villages. Qui donc a jamais vu des plaines immenses, oui, des plaines sur des montagnes ?
Sur les montagnes de Naxos, vous verrez des plaines vêtues d'arbres, et cela vous semblera plus étrange que de voir tout à coup la mer au milieu d'une île. Vous apprendrez le nom de ces montagnes, le Canavari, le Stavroménite, la Voucolomandre, le Calyvas, la Monopétra, l'Anémomilo et le Carcos. Les montagnes sont assises en cercle et elles admirent le village d'Apiranthe, le plus beau de tous les villages. La nature entière le regarde ; le soleil le baise doucement, et ses rayons, comme des amoureux, caressent les vignes d'Apiranthe. On dirait vraiment que les rayons se couchent à plat sur les treilles et qu'ils aiment à y paresser ; on dirait que le soleil lui-même les y met dormir : _ " C'est ici qu'il me plaît, mes rayons d'or, c'est ici qu'il me plaît de vous voir, leur dit-il, vous vous fatiguez tout le long du jour sur les cimes, sur les caldirim, sur le tranchant des pierres ; venez dans ce vallon vous délasser ; vous y avez un lit et un oreiller. "
Un matin, d'Apiranthe, j'ai pu voir Amorgos. Il y avait à l'horizon une vapeur très légère, une étrange vapeur, comme un brouillard de lumière. çà et là, une raie blanche apparaissait, mais très loin, écume ou nuage, qui le sait ? On ne distinguait pas le ciel de la mer ; comme une pêche immense, rosée et violette, enroulée dans son duvet blond, Amorgos semblait suspendue dans l'infini.
Nous lui dresserons une statue magnifique à celui d'entre vous, mes petits Grecs, qui naîtra pour nous dire les beautés de la Grèce, au Grec qui sentira le premier la poésie de son ciel et de sa race. En parcourant les Cyclades, je croyais entendre leurs plaintes. Elles demandaient leur poète.
" - Qui, disaient-elles, se retourne pour nous voir ? Nous sommes belles et nous sommes parfumées, et pourtant nous sommes inutiles. Aucun de nos enfants ne nous a donné son amour. Nous lui gardons des surprises infinies et de quoi charmer le monde. Notre sol est libre, mais notre âme est captive dans sa gaine ; les héros nous ont les premiers délivrés, il faut maintenant que les poètes nous délivrent. "
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