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LES PLAINTES DES CYCLADES






    Et quelle est donc celle des Cyclades qui n'offre au voyageur des spectacles singuliers ? Quelle est, en Grèce, l'île qui n'a charmé son hôte ? Andros a charmé la mer elle-même, et la tient sous sa magie. Ses plages sablonneuses s'enfoncent dans les terres profondément, entre deux anses de collines. Les flots arrivent, avec leurs larges volutes, avec longue bordure de leurs écumes, ils arrivent et ils s'étendent indéfiniment et ils disent à la plage sablonneuse :_ " Viens, viens avec nous, toi qui nous attires, toi qui nous as charmés ; nous voulons te charmer et t'attirer aussi ; nous voulons te rendre au large avec nous. " Il me semble que j'entends la chanson de l'amour. _ " Toi qui dors sur le rivage paisiblement, viens, dit l'amour, je veux t'ouvrir le ciel et ton âme s'élargira. "

    Andros a des monts superbes. Vous regardez à votre droite, et vous les voyez vous sourire ; leurs flancs sont pleins de verdures, pleins de fleurs ; vous regardez à gauche et vous frissonnez ; ce sont des parois à pic, à la mesure des géants ; des rochers et des précipices ; pas une branche, pas une feuille. Telle est Andros, l'île jolie et courageuse ; elle a la force et la grâce. Ses plages sont infiniment douces, ses flots sont redoutables, redoutables ses lames énormes qui vous prennent et vous entraînent à jamais. Et tel est l'amour aussi ; il a ses plages et ses lames. Je veux que la poésie soit telle à son tour, je veux qu'elle soit comme Andros, je veux qu'elle soit une joie et une terreur.

    Tout autre est l'aspect, et toute autre est la douceur de ma Paros chérie. Paros n'a point de montagnes ; elle n'a que des monticules. Il ne fait jamais trop froid à Paros, ni trop chaud non plus ; ses ruelles sont étroites, et petites sont ses maisons. Tout ce qu'elle a est tranquille, sage, gracieux, souriant ; tout chez elle a je ne sais quelle mesure et quel goût. La mer même à Paros ne connaît point les tempêtes ; là, chaque année, au printemps, viennent les pêcheurs d'éponges, sur leurs bateaux, et ils pêchent sans crainte dans les eaux. Le plongeur descend tout au fond de la mer ; l'air descend avec lui dans un long tube en caoutchouc, l'air doux de ma Paros chérie. De temps en temps, vous voyez sur la surface de grosses bulles, des blancheurs qui montent ; cela signifie que le plongeur vient de prendre son souffle et vous pouvez, en suivant du regard la colonne blanche sous les flots, voir au juste à quel endroit se trouve le plongeur. Et c'est bien là notre histoire à tous ; nous cherchons et nous fouillons, nous nous donnons beaucoup de mal pour faire apparaître quelque vérité, pour que notre souffle en soit plus libre, pour que le monde puisse voir de quel endroit monte la colonne blanche. Et tout le reste, hélas ! la mer le recouvre.