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Écoutez maintenant, mes petits Athéniens, des choses que vous n'avez point encore entendues.
Je ne viens pas vous prêcher le mépris de vos riches, même quand ce sont des riches de Tinos. Vous pouvez accorder votre estime à vos banquiers et hauts commerçants. Je n'y vois aucun mal. Les richards ont beaucoup fait pour la Grèce ; il leur reste encore beaucoup à faire. Honorez-les. Mais je voudrais que vous eussiez surtout un plus fier souci de vous-même, vous les pauvres qui tenez une plume. Car enfin, vous cherchez l'art, que vous l'atteigniez ou non. Sachez-le et comprenez-le bien ; il n'y a personne en ce monde, ni puissant, ni riche, qui soit plus grand que le poète. Il doit être partout le premier ; il doit toujours venir à la tête. La poésie et l'art sont tout ; en dehors d'eux, rien n'existe. Vos richards n'auraient pas gagné un écu, n'auraient rien pu faire pour la Grèce, si, dans les siècles lointains, le Parthénon n'avait pas été bâti et si Platon n'avait pas écrit. Seul, le poète élève des palais et fait une race. Ne me dites pas, mes bons petits Athéniens : _ " Mais nous, nous n'avons pas notre Parthénon ; nous ne sommes pas comme nos pères. " Vous n'avez pas votre Parthénon et vous n'êtes pas comme vos pères, parce que le courage et la foi vous ont manqué ; il suffit que vous croyiez et cela sera.
Il ne faut donc pas, mes enfants, vous qui pensez et qui écrivez, il ne faut pas vous considérer comme des petits et des faibles, lorsque vous avez quelque chose là. Je n'ai pas remarqué chez vous cette fierté qui vient de la conscience de l'effort. La dignité sied à la pensée. Que vos manières soient simples, paisibles et douces, cela se doit assurément ; mais que votre âme ait son orgueil ! Il ne faut pas que ce soit vous qui sollicitiez, il faut que ce soit vous que l'on sollicite. Nulle insulte ne doit vous être faite ; vous n'en devez supporter aucune ; ce n'est point à cause de vos personnes, mais pour ce que vous portez en vous. Vous êtes des expressions du type éternel, et mes rêves eux-mêmes souvent ne sont que des symboles. Quiconque insulte le poète insulte un peuple entier. Quiconque lui donne son amour le donne à toute une nation. Les portes, partout où il se montre, doivent toutes seules s'ouvrir. Malheur au pays à qui les poètes ont manqué ; son nom demeurera toujours inconnu. Malheur au pays que le poète n'a pu louer ; il aura toujours mauvais renom.
Écoutez maintenant, mes petits Athéniens, des choses que vous n'avez point encore entendues.
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