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Ce brave homme ne me connaissait pas et ne devait me revoir de sa vie. Mais tel est le Grec. Il est hospitalier, car pour lui c'est une joie. Il ne lui suffit pas d'avoir à vous offrir un lit et un couvert, c'est son coeur qu'il vous offre et c'est son coeur qui vous héberge. À Andros, je ne savais plus à qui entendre ; chacun voulait m'avoir dans sa maison. Mais de quoi vais-je ici parler, puisqu'il ne met pas possible de rendre le charme de cet accueil ? Hélas ! la Panaya de Tinos n'avait pas su me guérir, et pourtant j'avais bien besoin de remèdes. Beaucoup plus sûrement et plus efficacement que la Panaya, sait guérir la Bonté, et c'est une grande bonté qui me fut révélée à Andros. Les enfants d'Andros sont eux-mêmes très hospitaliers. Au village de Corthy, où j'attendais sur le rivage le bateau pour m'embarquer, étendu sur le sable avec nonchalance, je paressais et je rêvassais, tandis qu'en tas autour de moi, des enfants de six, de huit et dix ans jouaient et babillaient et riaient et me grimpaient sur le corps, sans peur aucune, me traitant comme leur vieil ami. Moi, je recueillais les mots qui s'échappaient de leur bouche, j'écoutais leur doux parler naturel, je notais de temps en temps leur dialecte, et je considérais placidement le petit golfe avec ses collines mignonnes tout autour, la mer qui dormait et le ciel tranquille, dont la couleur me caressait.
Écoutez maintenant, mes petits Athéniens, des choses que vous n'avez point encore entendues.
J'ai fait un rêve à Corthy, tandis que j'étais étendu sur le sable avec nonchalance. J'ai rêvé que j'étais encore à Tinos. Abattu, découragé, les pieds rompus, seul absolument, malheureux comme l'étranger, je me traînais dans les rues, de çà, de là, et je n'avais pas un lit où me coucher. Je fus frapper à une maison, demandant qu'il me fût ouvert. J'avais une recommandation du roi ; vous voyez à quel point mon rêve ressemble à un conte ; la porte resta fermée. Je frappai vainement près d'une heure. Ils dorment, pensais-je, les bienheureux ; il ne faut pas que je les réveille ! Je m'en allai vers le rivage et je m'assis sur les gros galets. Je posai ma tête sur une pierre, parce que j'étais las. Un chien passa et me lécha le front ; un cochon, sauf votre respect, vint aussi ; un instant il s'arrêta comme s'il s'étonnait. Le chien et le cochon s'enfuirent tous deux en courant ; il faut croire que ces galets pointus ne leur convenaient pas. Un capucin me cria de loin :
- Ne restez pas ainsi sur les pierres ; cela n'est pas bon."
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