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SALOMON REINACH, L'ATHÉNIEN






    Le 1er septembre, Reinach est à Ali-Agha ; il y reste quelques jours et couche chez les Baltazzi, alors que la saison de fouilles à Myrina est terminée. Il va ensuite à Smyrne, où il fait visiter aux officiers le musée de l'École évangélique. Le 9 septembre, il part pour Téos. Mais l'on a cassé la drosse au sortir du port de Smyrne et il faut installer un gouvernail de combat. "L'excitation de ces petits événements a causé en moi une crise très violente, et je suis très souffrant aujourd'hui".

    Rencontre avec Balladour

    Arrivé à bon port, il mentionne dans son carnet une anecdote plaisante. "Il y a quelques années, un protégé français nommé Valadour obtint un firman pour l'exploitation des marbres du temple de Téos. Deux bombardes chargées de marbre quittèrent la petite scala de Sigadjik : et quand Pottier et Hauvette vinrent l'an dernier à Téos, Baladour leur proposa de leur vendre ses marbres historiés. Depuis, Baladour a filé, laissant dans le pays deux mille piastres de dettes et une réputation détestable". Suivant les conseils de Pottier, Reinach prend contact avec deux ouvriers, Ismaïl Palévra et son frère Méhémet, le monophtalmos. Ils lui promettent d'enlever pour son compte et avec une voiture les marbres du théâtre et du temple. Mais ils refusent dès le lendemain, alléguant Baladour et la loi. Reinach renonce à toute discussion et multiplie pendant deux jours les croquis "à la chambre claire" pour mieux présenter son dossier à Tissot et obtenir, avec l'appui de l'ambassadeur, un firman de la Porte.

    La journée du 13 septembre sera épuisante. Accompagné de quatre officiers, Reinach prend à pied le chemin d'Éphèse. La compagnie fera vingt-quatre kilomètres aller et retour, pour "des ruines très peu intéressantes, sauf la grande mosquée". Au soir, la mer est démontée : "il a fallu regagner le vapeur en deux parties, ayant de l'eau à la ceinture pour monter en baleinière, et avec des baleinières remplies d'eau jusqu'à la banquette". Reinach monte, le jour suivant, au couvent de Patmos, où on lui montre scolies de Démosthène, livres rares et portrait de saint Jean offert par Alexis Comnène, puis sur le chemin du retour visite la grotte de l'Apocalypse. Il pense avoir obtenu pour le BCH la publication d'un catalogue de la bibliothèque du couvent et des actes de fondation du monastère. Il écrira bientôt au cardinal Jean-Baptiste Pitra (1812-1889), un collaborateur de l'abbé Migne pour lui faire part de ses découvertes. Il passe ensuite à Iasos, puis à Mylasa. Après "dix heures de cheval sur une route affreuse", Reinach conclut "un marché avec Mehemet et Sardon moyennant 1700 francs pour l'un et 700 pour l'autre". Il obtient d'emporter un marbre, découvert par Hauvette et Dubois, qui porte un décret d'Iasos, punissant une conspiration contre Mausole. Reinach retrouve Hauvette à Cos. Il y achète, le 19 septembre, "à Georgios Christophilis, agent consulaire d'Autriche, pour la somme de 400 francs, une très belle tête d'enfant en marbre, style de Praxitèle, une petite Vénus mais sans tête, deux têtes grotesques, une tête de lion et une pierre gravée représentant Artémis et Mercure". Il l'offrira au lieutenant Dubois. La tête d'éphèbe et l'inscription de Mylasa rejoindront les collections du Louvre pour lequel Reinach se montra un généreux mécène.