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SALOMON REINACH, L'ATHÉNIEN






    Laissant Pottier poursuivre seul l'exploration, Reinach quitta Myrina avant la mi-août 1880. Le 15 août, "à midi et demi", il débarquait de l'Ilissus, un paquebot des Messageries qui l'avait conduit des Dardanelles à Salonique. Deux jours plus tard, après une visite de la ville et la collecte de nombreuses inscriptions, il reprenait la mer à bord du Latouche-Tréville. Un carnet inédit permet de reconstituer en détail ce périple. Après être passé au large du Mont Athos, le navire s'est dirigé vers Baloustra, où il aborde le 19 août. Reinach est à la recherche de l'ancienne Abdère, dont aucun vestige n'a été retrouvé à l'embouchure du Nestos. Le lendemain matin, il visite la Maronée moderne, copie quelques inscriptions et consacre l'après-midi à la cité antique. Le 21, il est à AEnos, le 22 à Imbros où il occupe deux jours à la prospection de l'île. Il raconte :"Après une longue navigation à vapeur en vue des montagnes de Samothrace, l'aviso s'est arrêté vers six heures du soir devant le petit port de Kastro (Imbros). La côte nord d'Imbros est très inhospitalière ; il n'y a ni port profond, ni mouillage sûr, à cause de la prédominance des vents du nord. Le commandant m'affirma qu'il ne pouvait passer la nuit devant Castro, et je descendis immédiatement à terre avec le pilote grec pour prendre des renseignements. Au moment de débarquer, nous vîmes un vieux pope descendre vers la grève au pas de course

    
...Decurrit Acestis,
    Horridus in jaculis et pelle Libystidis ursae.


    Cet homme se fit connaître à nous comme Monseigneur Nicéphore Glykas, évêque d'Imbros. Je lui parlai de Warnassas et de Conze, et reconnus bientôt qu'il était archéologue. Il protesta de sa passion pour la France et exigea que je passe la nuit chez lui pour commencer le lendemain l'exploration de l'île. J'allai chercher mes affaires sur le Latouche, qui repartit à huit heures pour le mouillage de Pyrgos au sud de l'île, et à huit heures et demie j'étais installé à l'évêché.

    Je n'ai qu'à me louer de l'hospitalité que j'y reçus. L'évêque, ayant passé trois ans en France, sait assez bien notre langue ; archéologue passionné, il a peu à peu rassemblé dans les couloirs et la cour de la métropole toutes les antiquités importantes de l'île". Reinach parcourt l'île à cheval à la recherche de marbres et d'inscriptions inédites. Il est surpris de voir combien le souvenir du passage de l'archéologue allemand, Conze, est resté présent dans les mémoires. Le 23 août, sur la suggestion d'un officier qui avait reconnu, du côté de Pyrgos, "un grand morceau de marbre rectangulaire, orné de colonnes à droite et à gauche", Reinach part au petit matin avec un canot et huit marins. Il enlèvera sans encombres ce bloc "pesant environ deux cents kilogrammes et situé sur la falaise, à 30 m. au-dessus de la mer".