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SALOMON REINACH, L'ATHÉNIEN






    Le 25 août, Reinach se réjouit de découvrir Lemnos où il aurait aimé fouiller. Assis au café de Mudros, escorté d'un canonnier du Latouche, il collecte des renseignements et marchande des monnaies. Il se lance ensuite dans une excursion dont la meilleure étape fut Drepanidi. Il y achète entre autres, pour 69 francs, un vase en marbre avec bas-relief funéraire, signalé par Conze. Mais il doit déchanter le lendemain. Le maire a menacé de rouer de coups quiconque montrerait désormais une inscription. Voilà Reinach retenu jusqu'à neuf heures du matin au café, en quête d'un guide. Un jeune homme parlant italien -"ce qui ne laisse pas que de [lui] être fort agréable"- accepte enfin de l'escorter. "Je suis parti sur un âne maigre sans selle, et j'ai été fort torturé pendant une heure, après laquelle on a fini par me trouver un mauvais samari en bois. J'ai passé par Romano, Drepanidi, Aipati, Paléopolis ; partout, on m'a offert de mauvaises médailles. À Paléopolis, j'ai retrouvé Georgi, l'ami de Conze, un vieillard fort gai et bienveillant, dont les enfants m'ont vendu deux fragments d'inscription et deux médailles - une d'argent et une de bronze - le tout pour quelques sous". Les jours suivants se dérouleront selon le même schéma : discussions, le matin - on lui refuse par exemple de louer des ânes -, excursions et acquisitions nombreuses, retour à Mudros dans la soirée.

    Le Latouche-Tréville abordera Lesbos, le 29 août. Reinach a vingt-deux ans. Après avoir mentionné cet anniversaire, il raconte sa visite avec le docteur"chez une malheureuse hydropique qui gisait depuis sept mois sans mouvement". Il ajoute :"Peu s'en faut que cette infortunée ne fût la première Lesbienne que je rencontrasse. À la tare des monstruosités morales, restera attaché dans mon esprit le souvenir des monstruosités physiques". Et il conclut :"Après avoir payé à cette misère imméritée le tribut de notre sensibilité, nous regagnâmes Le Latouche, qui partit le lendemain à quatre heures". Le 30 août est"une journée perdue pour l'archéologie". Elle commence par une partie de chasse de trois heures avec le commandant, sur un terrain rocailleux et aride. Elle se poursuit par la baignade, après"une magnifique navigation dans la baie de Port-Olivier - une des plus belles rades qui soient au monde, et où toutes les escadres de l'Europe pourraient évoluer".