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DU BON USAGE DU "MIRACLE GREC"






    De manière plus ambiguë encore, le "miracle grec" était l'occasion de fêter le 2 500 anniversaire de la naissance de la démocratie. Quitte à confondre cette dernière avec le système de gouvernement péricléen, dont Thucydide disait : "Théoriquement, le peuple était souverain, mais en fait l'État était gouverné par le premier citoyen de la cité". A la formule de l'historien, les commissaires américains avaient préféré le slogan du poète P. B. Shelley (1792-1822) : "Nous sommes tous Grecs". Pour mieux rappeler l'étendue du legs fait par la Grèce antique au monde occcidental : invention de la politique, du théâtre, du droit, de la philosophie, des sciences. Encore faudrait-il souligner, avec Louis Gernet, que nous n'avons pas hérité d'un "contenu de pensée particulier", mais d'un "certain mode de penser" : cet usage de la raison que Renan associait au "miracle grec" et dont l'ambition ne fut jamais de rendre les hommes maîtres et possesseurs de la nature.

    Il est un dernier regret que suscite l'exposition américaine : celui de ne pas voir repris l'interrogation de Renan dans L'Avenir de la science : "Concevons-nous que le Parthénon et les Propylées, les statues de Phidias, les dialogues de Platon, les sanglantes satires d'Aristophane aient été l'oeuvre d'une époque fort ressemblante à 1793, d'un état politique qui entraînait, proportion gardée, plus de morts violentes que notre première révolution à son paroxysme ? Où est dans ces chefs-d'oeuvre la trace de la terreur ?"

    Avant d'être sans miracle, comme le soutient Jean Ducat dans un chapitre inédit, L'Art grec des Editions Citadelles et Mazenod est sans surprises. C'est la réédition opportune d'un livre classique dont Jean Bousquet et Kostas Papaioannou furent les maîtres d'oeuvre, il y a vingt ans. On retrouve avec bonheur ce qui avait fait le succès de cet ouvrage monumental : une synthèse ambitieuse sur la civilisation de la Grèce ancienne, une iconographie d'une richesse exceptionnelle et une présentation informée, mais sans pédantisme, des grands sites archéologiques. La reconstitution intégrale, en un cahier photographique, des décors sculptés du Parthénon avait jadis impressionné ; elle a gardé toute sa force. D'autres photographies ont moins bien vieilli. Certains procédés - comme l'utilisation abusive de la contre-plongée, la préférence donnée à des angles de vue inattendus ou le recours à de vigoureux éclairages accentuant artificiellement les contrastes - sont aujourd'hui passés de mode.