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Comme le prouvent la forte proportion des productions locales de l'arrière-pays dans la vaisselle utilisée et l'association dans une même pièce d'un pot modelé par un indigène et de son couvercle tourné par un Grec, la communauté phocéenne nouait des rapports étroits avec le milieu qui l'accueillit. Les amours de Gyptis, fille de Nannus, roi des Ségobriges, et de Protis, chef de la flotte avec son compagnon Simos, ne sont pas seulement une belle histoire ! Si l'on ne peut dire qu'on les fêta avec du vin étrusque, on peut assurer que c'est pratiquement le seul que l'on but jusque vers 580. La suite est connue : la production viticole marseillaise s'amorcera avec la deuxième génération des colons. Aux alentours de 540, apparaîtront à Marseille les amphores pansues qui assureront sa réputation et son développement économique. Et c'est à cette date, après la chute de Phocée, que Thucydide semble placer, à contre-courant de notre documentation littéraire et archéologique, la fondation de Marseille. Le témoignage de l'historien de la Guerre du Péloponnèse n'est pas entièrement à récuser, si l'on considère qu'il y eut deux étapes dans le développement de la colonie. D'abord, un emporion, un port de commerce, occupé à des échanges avec le milieu indigène et recevant des productions étrangères diverses, étrusques notamment. Puis, avec les apports successifs de nouveaux arrivants, l'essor d'une cité, maîtresse d'un territoire dont le vignoble, créé par ces Grecs d'Asie Mineure, fit la fortune.
Les Épigrammes de Martial font rêver à ce vin enfumé, mûri comme un Madère à la chaleur du soleil. Les auteurs du volume Les amphores de Marseille grecque, publié sous la direction de M. Bats et fruit d'une table-ronde organisée à Lattes en 1989, ont choisi d'oublier l'ivresse pour connaître le flacon. En abordant la chronologie et la diffusion de ce matériel, ils ont écrit un chapitre important de l'histoire économique de Marseille et de son rôle dans l'hellénisation non seulement de la Gaule, mais bien au-delà. Sans négliger les problèmes de classification et d'identification : amphores sphériques ou ovoïdes, amphores à pâte fortement micacée ou feldspathique, relations entre les différents groupes, répartition géographique, cartographie des points de découverte. Bref, on dispose d'un panorama complet des recherches en cours. Les fouilles de la Bourse avaient livré un ensemble exceptionnel de spécimens complets d'époque classique. G. Bertucchi a su exploiter ce lot unique ; il propose une typologie qui s'inscrit dans la longue durée, puisqu'elle envisage la production massaliète entre la seconde moitié du VIe siècle avant J.-C. et le second siècle de notre ère. L.-Fr. Gantès livre de son côté une approche quantitative originale à partir des données des fouilles anciennes et récentes de Marseille. À l'épanouissement des fabrications locales à partir des années 540-530 correspond l'effondrement des importations étrusques, pourtant majoritaires au début du siècle. L. Long dresse l'inventaire des amphores massaliètes trouvées le long du littoral méditerranéen et formule, grâce à ses données subaquatiques, une estimation des exportations du vin de la Marseille grecque, soit près de 10.000 hectolitres par an au cours du IVe siècle avant J.-C.
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