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HEINRICH SCHLIEMANN, L'INVENTEUR DE TROIE






    L'histoire même de la découverte du "trésor de Priam" à la fin mai ou mi-juin 1873 est une imposture. Schliemann a raconté qu'au péril de sa vie - le mur sous lequel il creusait menaçant à tout moment de l'ensevelir - il avait dégagé avec un couteau objets précieux, or et bijoux. Il avait eu auparavant la prudence d'éloigner ses ouvriers en leur accordant un repos supplémentaire. Il avait profité de l'aide de sa chère épouse, toujours prête à envelopper dans son châle et ses jupes le butin pour le mettre à l'abri. Tout cela est faux. La correspondance montre que Sophia fut beaucoup moins présente à Hissarlik que ne l'affirme son mari. Elle ne le fut jamais en 1871. En 1873, dès le 7 mai, elle était partie pour Athènes et y resta tout l'été. Cherchant à brouiller les pistes, Schliemann n'a pas manqué non plus de se contredire dans ses différents rapports. Le passage de son carnet relatif au trésor est daté du 17 juin, à Athènes. Schliemann le falsifia, plus tard, en remplaçant cette indication de lieu par celle de Troie. Divers indices montrent enfin que le " trésor de Priam " est un ensemble hétéroclite, composé de trouvailles faites en plusieurs points du site durant les mois de mars et avril 1873.

    L'intérêt du cas Schliemann n'avait pas échappé à Freud. Il se servit de l'image de la superposition des niveaux dans la fouille pour penser la conservation de nos impressions psychiques. Le père de la psychanalyse ne connaissait pas les rêves étonnants que l'archéologue racontait à ses correspondants, ni le récit de ce prétendu voyage à La Mecque où Schliemann, après s'être fait circoncire, se serait fondu dans un groupe de pèlerins musulmans. Mais Freud avait senti que ce bourgeois archéologue, fasciné par l'or et avide de reconnaissance sociale, s'inventant un roman des origines et en quête des origines de la civilisation, cultivant les langues et se délivrant de ses fantasmes par les mots, était une figure emblématique de nos consciences.

    Hervé DUCHENE