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HEINRICH SCHLIEMANN, L'INVENTEUR DE TROIE






    Il faudra à Schliemann trois fois vingt ans pour ranimer la Troie homérique et marcher sur les traces de ses héros. Premier de ces trois actes : les années 1830-1850. Dès quatorze ans, le jeune homme est commis dans une épicerie à Fürstenberg. Pendant cette période de formation, le seul grec qu'il entend est celui que déclame, lorsqu'il est ivre, un meunier naguère lycéen. De l'eau-de-vie contre des vers d'Homère ! Schliemann paye pour entendre l'Iliade et se réjouit de cette première bonne affaire. Un accident le contraint à quitter les arrière-boutiques pour le grand large. Embarqué à Hambourg, il ne rejoint pas l'Amérique du Sud, mais fait naufrage sur les côtes hollandaises. Nouveau Candide, il manque de s'engager comme soldat à Amsterdam, puis devient garçon de bureau dans une maison de commerce. Il comprend vite que la circulation des signes gouverne le monde. Ce porteur de lettres saura jongler avec les chiffres et les mots. Exerçant sa mémoire pendant ses courses et occupant ses loisirs à l'apprentissage des langues, il maîtrise en quelques mois l'anglais, le français, le portugais et l'italien. Il se met au russe en employant toujours la même méthode. Elle consiste à lire des textes originaux à haute voix, à les apprendre par coeur, à fuir les exercices de traduction et à écrire de petites compositions. Pour quatre francs par semaine, Schliemann loue les services d'un Juif venu écouter chaque soir ses récits russes, sans les comprendre.

    L'acte II - les années 1850-1870 - scelle la réussite matérielle du marchand. L'argent de la spéculation servira à gagner l'or de la science et de sa gloire, celui de Troie. Schliemann endosse les habits de l'aventurier pour évoluer dans un univers où l'imaginaire se confond avec le vécu. On songe à Cendrars, à L'Or et à Moravagine. En 1851, Schliemann quitte la Russie où il est l'agent commercial d'une firme d'Amsterdam. Il enquête en Californie sur la mort de l'un de ses frères. Échappant à l'incendie de San Francisco, à la fièvre jaune, il amasse plus de 350.000 dollars. Notre chercheur d'or revient dès l'année suivante à Saint-Petersbourg. Il y épouse une femme en vue, Ekaterina Petrovna Lyschin - un mariage malheureux et trois enfants. Trafiquant pour son compte, il fait fortune grâce à l'indigo et à la guerre de Crimée. Riche, Schliemann se juge digne d'apprendre le grec moderne et ancien. Iliade et Odyssée seront en quelques semaines des lectures familières. Notre homme voyage aussi beaucoup, seul : en Europe et au Moyen-Orient en 1858 et 1859 ; en Inde, en Chine, au Japon et en Amérique, de 1864 à 1866. On le retrouve ensuite à Paris, installé dans un hôtel particulier, au 6 de la Place Saint-Michel. Il publie son premier livre La Chine et le Japon au temps présent. Il fréquente la Sorbonne et Renan. Tout en multipliant les opérations immobilières !