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Celui qui a mis aux voix le décret, Hermagoras, fils d'Hermokréon, n'est malheureusement pas connu autrement dans l'épigraphie délienne. Il intervient ici en qualité de président de séance de l'assemblée. Il était par conséquent membre du Conseil, rouage essentiel du pouvoir dans une cité démocratique puisqu'il "préparait les débats du peuple, pour que ce dernier puisse vaquer à ses occupations". Hermagoras, fils d'Hermokréon, était assurément un citoyen délien. Mais son nom comme son patronyme laisse entendre des origines ioniennes. A.-J. Letronne, puis Louis Robert, ont réfléchi sur ce groupe de noms dont la formation repose sur l'élément "Hermos". Celui-ci semble moins se rattacher au dieu Hermès qu'au fleuve Hermos, qui coule en Lydie et se jette dans la Mer Egée tout près de Phocée. C'est en effet une caractéristique des cités d'Asie Mineure que d'avoir largement emprunté pour leur onomastique aux fleuves de leur pays. "L'anthroponymie massaliète a [par ailleurs] conservé tenacement le caractère ionien de ses origines". Et bien des Massaliètes gardaient dans leur nom le souvenir de l'Hermos. Rappelons seulement celui d'Hermocai-koxanthos. Aristote le cite dans la Poétique pour dénoncer un autre goût massaliète, celui des noms composés. Que conclure ? A la solidarité d'une communauté ? Hermagoras s'est peut-être rappelé la patrie ionienne en conduisant la délibération de l'"écclésia". A moins qu'il ne fût lui-même un Massaliète, devenu citoyen délien.
La seconde inscription citant un Massaliète illustre l'autre aspect fondamental de la Délos hellénistique : l'intensité de sa vie religieuse. Les réalités civiques y rejoignaient souvent les exigences du sacré. Des hauts magistrats déliens, les hiéropes, avaient ainsi la charge de veiller sur ce que l'on avait offert aux multiples divinités de l'île. Chaque année, ils dressaient un inventaire complet de ces richesses. L'un d'eux, celui de Callistratos, établi en 156-155 avant notre ère, révèle que Philon, fils de Métrodôros, Massaliète, avait dédié un vase dans le sanctuaire des dieux égyptiens.
Par chance, nous pouvons situer le lieu de cette dédicace faite vers la fin de l'époque de l'Indépendance. Les enseignements de l'épigraphie recoupent pour une fois ceux de la fouille. On a retrouvé dans les ruines du "Sarapeion C" qui regroupait trois cultes, celui d'Isis, d'Anubis et de Sarapis, les vestiges de consécrations signalées par les inscriptions. Elles assurent que c'est bien sur cette "terrasse des dieux étrangers", voisine du sanctuaire d'Héra, au pied du Cynthe, et surplombant le réservoir de l'Inopos que notre dévôt a déposé son offrande.
Hervé Duchêne
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