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Une seconde fois, Marseille doit son existence à une femme, à l'amour d'une femme. "Une parente du roi avait un jeune Grec pour amant. Touchée de sa beauté, au milieu de leurs embrassements, elle lui révèle la ruse, le suppliant de se dérober au péril qui la menaçait." Le jeune homme s'empresse d'aller prévenir les autorités. On s'empare de tous les Ligures, y compris de ceux qui se cachaient dans les chariots. Tous sont mis à mort. On attaque leur roi et son armée par surprise. "Il y meurt avec 7000 des siens." Chiffre énorme, qui suppose la destruction totale par les Phocéens de la peuplade qui leur avait accordé un port quelques années plus tôt. Marseille conquiert un arrière-pays.
Cette histoire explique la survie et la première expansion de la ville. Elle explique aussi la sévérité des gardes et des contrôles que l'on continuait d'y effectuer en toutes circonstances. "C'est de là que les Marseillais ont pris l'habitude de tenir leurs portes fermées les jours de fête, d'organiser des veilles, de mettre des sentinelles sur les remparts, de contrôler les étrangers et de garder leur ville aussi soigneusement en temps de paix qu'en temps de guerre." Le jour des Floralies, autrement dit de la fête ionienne des Anthestéries, célébrées en février-mars, à la fin de l'hiver, on introduisait dans la ville Dionysos et ses débordements. Le vin nouveau coulait à flot des jarres. On évoquait les âmes des morts. Puis on les chassait à grand bruit. A l'occasion de la même fête, les Marseillais ont pareillement chassé des forces hostiles. Ils ont su garder la tête froide. Ils continuent, même les jours de liesse, à faire régner l'ordre et la discipline. Ils n'acceptent la présence d'étrangers qu'après les avoir sévèrement contrôlés.
Suit un temps de "grandes guerres" contre les Ligures, les Gaulois, les Carthaginois. Toujours vainqueurs, les Grecs sont fidèles à leurs alliés romains. "Toutefois, dans le temps même qu'ils étaient le plus florissants par la grandeur de leurs exploits, l'abondance de leurs richesses et la gloire de leur puissance, voici que les peuples des environs se liguent soudain pour les détruire comme pour éteindre un incendie commun." Avec Catumandus unanimement élu pour chef, ils entreprennent le siège de la ville. Ils sont sur le point de la prendre "lorsqu'épouvanté en songe par la vision d'une femme farouche, Catumandus fait de lui-même la paix avec les Marseillais". Pour la troisième fois, c'est à une femme que Marseille doit son salut. Mais cette fois, il s'agit d'une déesse.
Ayant demandé et obtenu l'autorisation d'entrer dans la ville pour en adorer les dieux, Catumandus monte "sur la colline de Minerve". Sous les portiques du temple, il aperçoit "la statue de la déesse qu'il avait vue pendant son sommeil. Voilà, s'exclame-t-il, celle qui l'a terrifié et qui lui a ordonné d'abandonner le siège". Maintenant qu'il a découvert la "sollicitude" des dieux pour les Marseillais, il offre un collier d'or à la déesse et conclut avec eux "une perpétuelle amitié". Ayant ainsi "affermi leur état par une bonne paix, les habitants de la ville envoyèrent des offrandes au temple d'Apollon de Delphes". Ils y avaient un trésor, le "trésor des Marseillais".
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