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"Sous le règne du roi Tarquin, des jeunes gens venus de Phocée en Asie abordèrent à l'embouchure du Tibre et firent alliance avec les Romains. De là, continuant leur navigation, ils allèrent jusqu'aux golfes les plus éloignés de la Gaule et y fondèrent Marseille au milieu des Ligures et des peuplades sauvages des Gaulois. Pour se défendre contre leur férocité ou attaquer à leur tour ceux qui les avaient attaqués les premiers, ils multiplièrent les exploits." Marseille, cité du courage. Ceux qui la fondent sont des marins capables d'aller chercher fortune au bout du monde et de se transformer ensuite en valeureux guerriers pour survivre. Marseille, fidèle alliée des Romains. Les marins phocéens ont fait halte dans la Rome de Tarquin en vue d'obtenir son alliance avant de repartir vers leur difficile destination.
Ce que Trogue-Pompée, originaire de Vaison-la-Romaine, a raconté au temps d'Auguste, dans ses Histoires Philippiques, ce que Justin résume d'après lui cent ans plus tard, n'est peut-être pas vrai. Mais c'était l'image qu'on se faisait de Marseille, six ou sept siècles après sa fondation. Une image longtemps conservée : les historiens n'ont cessé de la reproduire au fil des siècles. Pour établir son antiquité et sa noblesse, ils se sont toujours plu à rappeler ce que les Grecs et les Latins avaient dit de ses origines. Marseille est la seule ville de France à pouvoir s'enorgueillir d'apparaître si tôt chez les anciens auteurs (Hérodote la cite dès le Vème siècle avant J. C.), et tant de fois (un ouvrage récent cite vingt-cinq passages étalés sur huit siècles), preuve de sa constante considération chez les fondateurs de la civilisation gréco-romaine.
Cinquième roi depuis les débuts de Rome en 753 avant notre ère, Tarquin l'Ancien règne d'après Tite-Live de 616 à 579 avant Jésus-Christ. Rome commence seulement à étendre son hégémonie sur le Latium. Les fondateurs de Marseille viennent de l'autre bout de la Méditerranée, d'une cité située sur sa côte orientale, actuellement Foça en Turquie, non loin d'Ismir (Smyrne). Savent-ils seulement l'existence de la ville fondée par Romulus ? Leur détour légendaire par Rome invente ce qu'a montré la suite : la constante alliance des deux cités. Il établit que Marseille ne doit rien à Carthage la Phénicienne, qui n'a pas servi de relais aux navigateurs venus d'Ionie.
L'installation des Phocéens dans leur nouvelle ville ne s'est pas faite à l'improviste. Une expédition préparatoire a d'abord reconnu le terrain. "Resserrés dans les bornes étroites d'un terroir maigre et sec, dit Justin, les Phocéens préféraient la mer à la terre et vivaient de la pêche, du commerce et même de la piraterie, qu'on trouvait alors un métier honorable." C'est pourquoi ils se sont avancés si loin de chez eux, jusqu'au pays de la future Marseille. "Charmés des beautés d'un lieu si délicieux, à leur retour chez eux, ils racontèrent à leurs compatriotes ce qu'ils avaient vu et entraînèrent avec eux une troupe plus nombreuse." Elle alla s'établir "près de l'embouchure du Rhône, dans un golfe écarté comme un recoin de mer".
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