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DÉMOSTHÈNE EN PROCÈS ?






    Les rieurs se tairont vite. L'ombre menaçante de Philippe se profilait derrière les joutes oratoires opposant Eschine à Démosthène. Collaborer avec le Macédonien, c'était soutenir une ambition ruineuse pour Athènes et son régime démocratique, sonner le glas de la Grèce des cités. Ne fallait-il pas se défier d'un homme pour qui "il n'est pas de ville imprenable si l'on y peut faire entrer un mulet chargé d'or" ? Démosthène avait raison ; les Athéniens le reconnaîtront trop tard. Après l'expérience des fausses promesses. Avant le désastre de Chéronée en 338.

    En exhortant ses concitoyens à "tenir leur rang", Démosthène définissait aussi, comme le montre de façon convaincante Pierre Carlier, une "physique politique" fondée sur une certaine idée - presque gaullienne - d'Athènes. Son passé l'oblige à jouer un rôle en Grèce. Puisque les États cherchent à s'agrandir tant qu'ils n'éprouvent pas de résistance à leur désir d'hégémonie, il faut combattre l'inertie des cités et contenir l'ennemi : le dissuader d'attaquer par des préparatifs militaires et le renforcement d'alliances que Démosthène veut conclure, dans une perspective nouvelle, sur un pied d'égalité. Pragmatisme visionnaire ou idéalisme généreux d'un théoricien des relations internationales qui, selon le mot de Plutarque, "n'a pas changé pendant sa vie, mais a même sacrifié sa vie pour n'en pas changer" ?

    Hervé DUCHENE