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HEINRICH SCHLIEMANN, L'INVENTEUR DE TROIE






    En 1878, alors qu'il venait de publier un volume sur Mycènes et partait pour Ithaque, Schliemann confia à l'architecte Ernst Ziller le soin de réaliser à Athènes une demeure digne de son nom et de sa réussite. L'Iliou Melathron, la maison d'Ilion, aux mosaïques polychromes et aux murs décorés de fresques à la gloire des chantiers du maître, fut inaugurée deux ans plus tard par un grand bal. Quelques officiels furent choqués par la nudité des statues sur le toit de l'édifice. Moqueur, Schliemann se plut à les habiller de tenues aux couleurs vives. On le pressa de les dévêtir. Il le fit lui-même à la plus grande joie des Athéniens. Puis il repartit à Orchomène en Béotie où d'autres fouilles l'attendaient. Leurs résultats furent moins spectaculaires. Il s'attaqua sans succès aux Thermopyles en 1883, puis à Marathon en 1884. La même année, il commença des prospections à Tyrinthe, en se consolant mal de voir anéanti son projet d'exploration à Cnossos. L'or se dérobait. Schliemann voyagea en Amérique centrale et à Cuba. Il visita l'Égypte. Il y retourna en 1888 avec un ami qui l'avait assisté en Troade, le médecin et homme politique Rudolph Virchow. Un dernier rêve agitait Schliemann : retrouver à Alexandrie, la tombe de son fondateur Alexandre le Grand.

    L'intrigue ne s'arrête pas avec la mort solitaire du savant à Naples, le 26 décembre 1890, et la disparition de l'or de Troie, offert au Musée de Berlin, puis emporté dans la tourmente de la Deuxième guerre mondiale. Le trésor a refait surface, l'été dernier. Il brille dans les caves du Musée Pouchkine à Moscou. Ce retour à la réalité se produit quand aboutissent les enquêtes biographiques. Démasqué, le personnage de Schliemann sort de la fiction. La poursuite du rêve d'enfance de fouiller en Grèce est une invention d'adulte. Loin d'incarner un amour fou, celui du professeur et de son élève, Heinrich et Sophia ont médiocrement rejoué au quotidien L'École des femmes. En affaires, Schliemann a trahi ses amis, ruiné ses associés. Pour s'approprier la métope du Soleil, il a trompé son fidèle soutien, Frank Calvert. S'il a rêvé sur l'incendie de Troie et dramatisé celui de sa maison de fouilles, il n'a jamais assisté, malgré ses affirmations, à celui de San Francisco en 1851. A plusieurs dizaines de milles de là, il s'est fabriqué pour son journal intime un récit de témoin oculaire à partir de coupures de presse. Il n'était pas non plus à cette date, comme il l'a prétendu, citoyen américain. Il le fut par intérêt au moment de son divorce, pour lequel il n'hésita pas à produire faux témoignages et lettres truquées. Quant aux inscriptions trouvées dans le jardin de sa demeure athénienne, nombre d'entre elles furent achetées à des collectionneurs.