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MARSEILLE GRECQUE : LES LÉGENDES FONDATRICES






    Bâti en 540 avant J.C., ce "trésor" était contenu dans une chapelle de style ionique (signe de fidélité à la mère-patrie) en marbre blanc. C'était l'un des plus anciens bâtiments du site, dont une partie subsiste encore. Seules de puissantes cités avaient le privilège d'avoir un tel trésor. Celui de Marseille symbolise la puissance politique et économique de la nouvelle colonie, soixante ans seulement après sa création : les Romains, qui n'avaient pas de trésor à Delphes, utiliseront plus tard celui de leur alliée pour y déposer leurs offrandes.

    Le mariage de Gyptis et Protis, la ruse de Comanus déjouée le jour des Anthestéries sont des événements extraordinaires, dont le sens n'apparaît qu'avec le troisième épisode, clairement miraculeux. Marseille est une citée voulue par les dieux, qui la protègent contre ses ennemis. Les Phocéens ont eu l'audace, le courage, la force, la séduction. Tout cela, ils le doivent à la déesse qui règne sur la ville, Minerve, la sage Pallas-Athéna des Grecs, la déesse tutélaire d'Athènes, et à son frère, Apollon Pythien, le Dieu de la lumière et des oracles. Curieusement, dans cette version, la cité phocéenne ne se trouve pas sous la protection de dieux spécifiquement ioniens, mais des dieux les plus sages et les plus lumineux du Panthéon grec.

    Si les Marseillais l'ont emporté sur leurs voisins, c'est parce que ces dieux étaient plus puissants que ceux de Catumandus, qui leur fait allégeance. Contestés malgré leur implantation pacifique, attaqués en raison de leur maintien, puis leur extension par la force, ils finissent par devenir des voisins acceptés et respectés. Il y a fallu de la chance, des victoires et du temps. L'accord avec Catumandus se fait, selon Justin, dans le temps où Rome a été prise et pillée par les Gaulois, vers 390 avant J. C.

    Le récit de Justin d'après Trogue-Pompée est indépendant de celui de Strabon, contemporain de Tibère, qui prétend rapporter, dans sa Géographie, une ancienne tradition dont il ne donne ni l'origine ni l'époque. "On raconte qu'au moment où les Phocéens quittaient le rivage de leur patrie, ils reçurent l'injonction de prendre pour leur navigation un chef auprès de l'Artémis d'Ephèse." Curieuse injonction venue on ne sait d'où, qui ôte la maîtrise de l'expédition à celui ou à ceux qui en avaient pris l'initiative. Les Phocéens y obéissent. Ils font voile vers Éphèse, au nord de Phocée, s'y arrêtent et cherchent "comment se procurer auprès de la déesse ce qui leur a été prescrit".

    "Or voici qu'Aristarqué, l'une des femmes les plus considérées de la ville, vit en songe la déesse se dresser devant elle et lui ordonner de s'embarquer avec les Phocéens en emportant avec elle une reproduction des objets sacrés." Cette fois encore, le récit de la fondation de Marseille se trouve construit autour de l'intervention décisive d'une femme. Elle ne symbolise ni la fécondité ni la virginité, mais la vertu, la considération, l'honnêteté. Son nom le dit : elle est la Meilleure. Mieux que les hommes, Aristarqué donnera à la cité qu'on va fonder une bonne image de respectabilité.